Gwangbok : 80 ans de « retour de la lumière » (1945–2025)
(광복절) — De l’occupation japonaise à la démocratie sud-coréenne
Le 15 août 1945 met fin à trente-cinq années d’occupation et ouvre une séquence décisive : libération, division, guerre, industrialisation autoritaire, puis conquête démocratique. Cet article propose une synthèse factuelle et chronologique—adossée aux repères juridiques et mémoriels—afin de comprendre ce que le Gwangbokjeol commémore aujourd’hui.
1. 1910–1945 : un régime colonial et ses crimes
L’annexion de 1910 soumet la péninsule à une administration policière et à une politique d’assimilation. La japonisation des institutions entraîne la restriction de la langue coréenne dans l’espace public, l’obligation du culte shintō et, à partir de 1939, le changement onomastique (sōshi-kaimei). La répression des mouvements nationalistes—dont le soulèvement du 1er Mars 1919—est systématique.
La mobilisation de guerre (1937–45) conduit à des réquisitions massives de main-d’œuvre (travail forcé), à l’enrôlement de Coréens dans l’armée impériale et à l’organisation d’un système d’esclavage sexuel pour l’armée (les « femmes de réconfort »). Ces faits—documentés par l’historiographie—relèvent de violations graves du droit humanitaire.
- 1910 : annexion — mise sous tutelle coloniale.
- 1919 : Mouvement du 1er Mars, violemment réprimé.
- 1937–45 : mobilisation totale, travail forcé, militarisation.
2. 15 août 1945 : libération… et division
La capitulation du Japon met fin à l’occupation. Par application des ordres de reddition, les troupes japonaises se rendent aux Soviétiques au nord du 38e parallèle et aux Américains au sud. Cette ligne, provisoire à l’origine, ouvre une division administrative puis politique. L’USAMGIK administre le Sud (1945–48) ; au Nord, une zone d’occupation soviétique s’installe.
3. 1948–1953 : deux États et la guerre
En 1948, naissent la République de Corée (Sud) et la RPDC (Nord), chacune se proclamant gouvernement légitime de l’ensemble. La guerre de Corée (1950–53) fait plusieurs millions de victimes ; l’armistice fige la péninsule autour d’une DMZ d’environ 4 km de large et près de 250 km de long.
4. 1960–1987 : modernisation autoritaire, puis tournant démocratique
Après la Révolution d’Avril 1960, l’armée reprend la main en 1961. Sous Park Chung-hee, l’industrialisation rapide s’accompagne d’un encadrement politique (Constitution Yushin, 1972). En mai 1980, l’insurrection de Gwangju est réprimée ; en juin 1987, un vaste mouvement civique impose l’élection présidentielle au suffrage direct : c’est l’ancrage démocratique.
5. 1988–aujourd’hui : alternances, société civile, débats mémoriels
L’État de droit se consolide ; la société civile s’affirme (mobilisations aux bougies 2016–2017). La mémoire de l’occupation demeure un enjeu diplomatique : traité de normalisation (1965), accords et contentieux sur le travail forcé et l’esclavage sexuel—les victimes réclamant des réparations effectives et des excuses explicites.
Gwangbokjeol : une mémoire de souffrance, de résistance et d’institution démocratique.
6. Encadré comparatif — France ↔ Corée
| Axe | France (1940–45) | Corée (1910–2025) |
|---|---|---|
| Occupation | Occupation allemande, régime de Vichy, Résistance. | Colonisation japonaise, assimilation forcée, répression. |
| Libération | Débarquements, Libération de Paris (25 août 1944). | 15 août 1945 : fin de l’occupation, division de fait. |
| Trajectoire politique | Refondation républicaine (IVe puis Ve). | Autoritarisme, puis démocratisation (1987). |
| Mémoire publique | 8 mai, musées, panthéonisations. | Gwangbokjeol, mémoriaux (Independence Hall, Gwangju). |